Terroir et traditions

Publié le par yaduneuf

Lorsque l'on vit des temps plutôt difficiles et socialement agités, il fait bon se raccrocher à des valeurs stables, ancrées solidement dans l'histoire et le monde.

Dans ces périodes là, on assiste régulièrement à une résurgence de l'histoire familiale et nombre sont ceux qui frénétiquement remontent aux origines de leurs familles pour tenter de découvrir leurs origines géographiques.

Ce qui était au départ une intention pieuse et naïve de retour aux sources est devenue nettement moins innocente depuis que les squales du marketing se sont emparés du filon.

 

Certes, il y a toujours eu des restaurants de cuisine traditionnelle des différentes régions de la France : mais c'est toujours demeuré bon enfant et la tradition et le terroir se retrouvaient tant dans les assiettes que dans la faconde du patron et la gentillesse de la tenancière, teintée d'accent et d'expressions inconnus.

 

Puis, sentant que le filon était quasiment inépuisable, au fur et à mesure que l'ambiance générale se dégrade, certains ont cru bon de démultiplier le concept à grande échelle. Et c'est comme cela que l'on a le plaisir et la surprise d'aller déguster de la cuisine régionale servie par des personnels dont le rapport avec la dite région est aussi éloigné que Diam's l'est du talent.

Quant ce n'est pas dans des restaurants de spécialités étrangères tenus par des gens dont la ressemblance avec les population locale est aussi approximative qu'incertaine : quelle surprise de s'attabler dans un bon chinois dont le patron est aussi africain qu'un ballon est rond.

 

Certains régionaux, moins bons en cuisine qu'en commerce et en logistique, ont eu l'idée également d'ouvrir des magasins dans lesquels les nostalgiques expatriés de leur région natale pouvaient retrouver les produits de leur enfance et cuisiner typique sans prendre le train ou l'avion.

Quel charme, quelle aventure particulière que de franchir la porte d'une de ces boutiques et d'entendre le patron faire l'article avec cette expression et cet accent qui ne trompent guère sur son origine et mettent du soleil dans une journée.

Quelle désillusion d'entrer dans une épicerie de produits du sud ouest et de s'entendre vanter les mérites des produits locaux par une grande gigue dont l'accent est aussi parisien que la Tour Eiffel est métallique.

Mais bon, il n'en demeurait pas moins que tant que l'on n'avait pas franchi le seuil de la boutique l'on restait sous le charme de l'endroit, imaginant les trésors locaux comme un tartarin en pleine quête .....

 

Mais patatras, les requins du capitalisme se sont encore jetés sur le concept comme la misère sur le pauvre. Les boutiques sont devenues nettement moins typiques et commencent à se décliner à grande échelle selon des concepts de marketing bien établis.

C'est donc ainsi que je me suis retrouvé devant la devanture d'un épicerie traditionnelle, commençant à rêver à des contrées inconnues et pittoresques que je ne connaissais pas.

Ah la douce rêverie dont je fus tiré plus que brutalement par la devanture dont la quasi totalité des inscriptions mêlaient anglicismes et terroir ....

Le "Bérichon Fooding" ça a de suite nettement de classe et ça brise le charme tout autant que le "Corsican Spirit".

Ah la délicate tradition sacrifiée sur le bûcher du commerce.

 

On vit une drôle d'époque

 

 

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